Răspunde la: Jean Giraud/GIR/MOEBIUS 1938-2012

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LE POINT
Docteur Giraud et mister Moebius

Le Point.fr – Publié le 10/03/2012 à 13:06 – Modifié le 10/03/2012 à 17:08
Le créateur du célèbre lieutenant Blueberry s’est éteint samedi, à l’âge de 73 ans. Portrait.
Par Romain Brethes

Lorsque nous avions rencontré l’artiste, à l’occasion de la rétrospective que la Fondation Cartier lui consacrait en octobre 2010, il était revenu très pudiquement et lucidement sur sa maladie, tout en soulignant qu’il espérait bien vivre jusqu’à 100 ans. Mais Jean Giraud-Moebius a fini par rejoindre le Major Fatal, Arzach et John Difool, le héros de l’Incal, dans le firmament des étoiles et cet infini qui le fascinaient depuis toujours.

L’homme était à la fois extraverti et mystérieux, entretenant savamment sa légende, comme l’avait montré son autobiographie, Histoire de mon double, parue en 1996. Il y revenait sur son enfance passée en banlieue parisienne, alors que sa mère l’avait laissé entre les mains de ses grands-parents pour partir au Mexique. Ce pays joua un rôle déterminant dans l’éveil spirituel de Jean Giraud. L’artiste s’y initia à la drogue et à l’ésotérisme lors d’un voyage dans les années 1950, devenant par la suite un fervent lecteur de Carlos Castaneda, l’anthropologue amateur de shamanisme. Son goût pour l’exploration des mondes parallèles, qu’il n’abandonna jamais véritablement, le conduisit même à rallier les rangs d’une sorte de secte, Izo Zen, à la fin des années 1970, dont le mentor entendait établir un lien avec des civilisations extraterrestres…

Mais il faut prendre beaucoup de précautions avec le mythe personnel de Jean Giraud, dont les personnalités sont en apparence multiples (il aimait beaucoup en jouer, notamment avec les journalistes et critiques de son oeuvre), mais au final parfaitement cohérentes. L’idée géniale de Giraud f u t de se dédoubler dès ses premières armes dans le monde de la bande dessinée, en 1963. Dans la lignée de son maître Jijé, il venait alors de créer dans les pages de Pilote le personnage emblématique de Blueberry, avec le scénariste Jean-Michel Charlier. Ce militaire américain sudiste mais progressiste (il est l’ami des Indiens), idéaliste et tête brûlée, est le protagoniste d’une des séries les plus remarquables et les plus originales du neuvième art.

“Lâcher la bride”

Giraud avait en effet décidé de poursuivre la série après la mort de Charlier et de faire vieillir avec beaucoup d’intelligence son personnage, chose plus que rare en bande dessinée où les héros exècrent les rides plus encore que les actrices hollywoodiennes. C’est en cette même année 1963 qu’il choisit le pseudonyme de Moebius, inspiré du fameux ruban de Möbius, pour livrer à Hara-Kiri quelques planches.

Giraud poursuivit ainsi en parallèle ses deux activités de créateur. L’une consacrée au développement de Blueberry a épousé, avec quelques décalages, les soubresauts de l’histoire cinématographique du western, depuis l’âge d’or des années 1940-1950 jusqu’à l’ère du soupçon de Sam Peckinpah et Sergio Leone. Ce qui, chez Giraud, se traduisit par un passage d’un classicisme marqué par l’école de la bande dessinée franco-belge à un dessin complexe et sensuel, caractérisé par une profondeur psychologique plus fouillée. L’autre a fait de Giraud un authentique démiurge sous son pseudonyme de Moebius.

Comme il nous l’expliquait, “le principe de Moebius, plus que de Jean Giraud, est de lâcher la bride, de restituer une instabilité profonde qui est le propre des métamorphoses”. Le basculement a véritablement opéré lors de la création de la maison d’édition des Humanoïdes associés et de la légendaire revue Métal hurlant en 1975. Avec ses compères Philippe Druillet et Jean-Pierre Dionnet, bientôt rejoints par Philippe Manoeuvre, il révolutionne les codes de la bande dessinée en l’associant à tous les mauvais genres : science-fiction, roman policier, musique rock.
“Moebius-Trans-Forme”

Et surtout, comme le dit Dionnet, “Giraud avait envie que Moebius devienne réel”, après avoir mis en sommeil son double durant quelques années. Moebius accumule alors les chefs-d’oeuvre, brisant toutes les frontières de la narration : Arzach, bande dessinée muette et inspirée du free jazz, Le garage hermétique, récit sous écriture automatique influencé par Raymond Roussel, jusqu’à l’apothéose finale de L’Incal en 1981. Cette série est le fruit de la collaboration miraculeuse entre Giraud et Alejandro Jodorowsky, membre du groupe Panique avec Arrabal et Topor et réalisateur de deux films légèrement dérangés et cultes, El topo et La montagne sacrée (ce dernier produit par John Lennon).

Les deux hommes s’étaient rencontrés lors d’un projet d’adaptation de Dune, roman de Frank Herbert. Même si le film, au casting le plus délirant peut-être de l’histoire du cinéma (Salvador Dalí, Orson Welles, Alain Delon…) ne vit jamais le jour, Giraud et Jodorowsky décidèrent de travailler ensemble sur le beau personnage de John Difool, détective minable appelé à changer le destin de l’univers. Dans L’Incal, Moebius est au sommet de son art. Son trait passe d’un sublime épuré lorgnant vers les grands maîtres du Quattrocento à un grotesque inquiétant et difforme. La distorsion comique entre de purs moments de grâce et un réalisme parfois déconcertant devient la marque du tandem, qui poursuivra sa collaboration sur d’autres titres plus méconnus, mais souvent très réussis, comme la série Le coeur couronné.

L’autre grande affaire de Giraud f u t le cinéma. Georges Lucas ne s’y est pas trompé lorsqu’il invita les fondateurs de Métal hurlant à la première de La guerre des étoiles lors de son passage à Paris. Giraud et Druillet ont en effet, avec Enki Bilal, considérablement influencé nombre de réalisateurs américains de science-fiction dans les années 1980, au point que Giraud signa par la suite les costumes d’Alien de Ridley Scott et participa au story-board de Tron, l’un des films les plus novateurs de l’histoire du cinéma.

Si l’artiste, qui avait obtenu le grand prix du Festival d’Angoulême dès 1981, s’était fait plus rare ces dernières années, il avait livré de passionnants carnets de destin dans la structure éditoriale qu’il avait créée avec son épouse Isabelle et s’était investi avec passion dans l’exposition “Moebius-Trans-Forme”, organisée par la Fondation Cartier il y a deux ans. L’un des événements de cette exposition était la projection de La planète encore, court-métrage inédit en 3D que Giraud avait réalisé et qu’il entendait développer en long-métrage. Le cancer qui l’a emporté ne lui en a pas laissé le temps. Il avait 73 ans.
http://www.lepoint.fr/culture/deces-du-dessinateur-moebius-10-03-2012-1439873_3.php

Cand l-am intalnit pe artist, cu ocazia retrospectivei pe care Fundatia Cartier i-o consacra in octombrie 2010, pomenea foarte pudic si lucid de boala lui, subliniind ca spera sa traiasca pana la 100 de ani. Dar Jean Giraud-Moebius s-a dus deja la Major Fatal, Arzach si John Difool, heroul lui Incal, pe firmamentul stelelor si acest infinit care l-au fascinat dintotdeauna.