Ultimul „Bilal” nu este in mod surprinzator o relectura a povestii lui Romeo si Julietei: JULIA & ROEM, la editura Casterman.
„Un cuplu revizitat in totalitate, manipulat de o planeta care-i pune la incercare pe oameni, pe supravietuitori… Sunt ei in stare sa mai iubeasca? Acesta este pariul acestui album!” spune Bilal, care a pus in pagina deseori cupluri greu incercate – si a fost implicat decisiv si intr-o productie teatral-coregrafica „Romeo si Julieta” de Angelin Preljocaj, pentru care a creat decorurile si costumele.
„Deuxième volet d’une trilogie sur la planète, ‘Julia & Roem’ creuse la veine post-apocalyptique chère à Enki Bilal. Dans ‘Anima’Z’, les naufragés climatiques naviguaient sur des océans salés à la recherche de points d’eau potable. Cette fois, après le Coup de Sang, nom qui désigne la catastrophe, la Terre n’est plus qu’un désert de sable (d’où le joli camaïeu de couleur ocre) où une poignée de survivants avalent des capsules d’eau en poudre dans un hôtel délabré.
Dans ce décor brumeux, Bilal plaque une intrigue inspirée de ‘Roméo et Juliette’. Un remake pataud de la tragédie de Shakespeare qui confirme que le dessinateur génial n’est pas un auteur inspiré – les dialogues et la voix-off frisent le ridicule. Le découpage monotone de l’album en cases rectangulaires aggrave le cas d’un récit qui souffre d’un manque de souffle flagrant. Et donne du grain à moudre aux mauvaises langues qui voient désormais chez Bilal moins un dessinateur de bande dessinée qu’un pourvoyeur de planches destinées aux ventes aux enchères – en 2009, 240 pièces de l’album ‘Animal’Z’ ont rapporté 900000 euros. « Si je fais des grandes cases, c’est uniquement par choix artistique et pour explorer d’autres formes narratives », se justifiait le dessinateur dans Le Monde daté du samedi 2 avril 2011. Malheureusement, l’univers « bilalien » tourne ici à la caricature et l’amène à signer un pastiche grandiloquent. Du côté des images en mouvements, le projet ‘Cinémonstre’, semble bien plus intéressant. En remontant les trois films qu’il a réalisés – ‘Bunker Palace Hôtel’ (1989), ‘Tykho Moon’ (1996) et ‘Immortel ad vitam’ – Bilal semble assumer une relecture de son œuvre cinématographique, difficilement regardable en salles mais propice à un ciné-mix d’une heure et des poussières en forme de trip sensoriel.”
Etienne Sorin
http://www.evene.fr
UN SHAKESPEARE AL APOCALIPSEI
Si ses livres et ses films créent l’événement, ce réalisateur-dessinateur-scénariste de BD a aussi secoué le monde des enchères, lors de la vente chez Artcurial, en 2009, des dessins de son précédent livre, «Animal’ z», totalisant 974.078 euros. Ce printemps, Enki Bilal publie «Julia et Roem» (Casterman), avec un premier tirage de 150.000 exemplaires. Cette variation élégante de «Roméo et Juliette» transportée dans le désert d’un monde en reconstruction, n’est pas une suite du précédent, mais se lit en parallèle.
Le Nouvel Observateur.- Après le monde aquatique de votre précédent livre, vous passez au désert ocre et gris de «Julia et Roem». Poursuivez-vous votre saga graphique d’un monde post-apocalyptique?
Enki Bilal.- Je n’aime pas le terme post-apocalyptique. Je ne décris pas de drame, je cite en prologue «le Coup de sang» comme nom du dérèglement climatique généralisé qui s’est abattu sur la Terre. Il s’agit plutôt de la recomposition de la planète, et d’histoires de survivants. «Animal’z» parlait du règne animal, de l’élément aquatique, dessinés sur un papier gris avec une dominante de bleus.
Dans «Julia et Roem», l’élément terrestre prédomine. Le sol, la terre, une route dans le désert demandaient un autre parti pris esthétique: un papier ocre et des tons sable. Je mélange les images et ne mets le texte que plus tard, ce qui me donne une grande liberté dans le dessin comme dans le récit. Ne plus s’encombrer de bulles donne plus de souplesse et de sensualité.
N.O.- Pourquoi reprendre des passages de «Roméo et Juliette»?
Enki Bilal.- Pour recommencer la planète, une histoire d’amour me semblait évidente. Dans ce monde qui se réorganise, il fallait convoquer la littérature, comme si un texte du passé ressortait des entrailles de la terre, comme si elle s’en souvenait. Mon personnage d’aumônier militaire multiconfessionnel en est le guide, le témoin, mon représentant narratif. Il se souvient de la pièce de Shakespeare, trouve rapidement une connivence dans les prénoms des protagonistes, et va retrouver cette langue qui vient du passé, alors que, plus occupé à survivre qu’à se souvenir, nul ne veut plus évoquer son propre vécu. Avant même d’avoir travaillé avec Angelin Preljocaj sur le ballet de Prokofiev, j’avais des affinités avec cette pièce dont je donne une trame épurée.
N.O.- Vous êtes très impliqué dans l’application iPad de ce livre. Pourquoi?
Enki Bilal.- Les éditeurs sont friands de ce nouveau média et tous les auteurs devront bientôt passer par là. Avec mes dessins réalisés un par un, et non en planche, l’exercice devient amusant et expérimental. Je ferai la lecture des textes, mon ami le musicien Goran Vejvoda, qui a travaillé sur certains de mes films, met l’application en musique. Ce nouveau matériau est très intéressant.
N.O.- Les dessins de «Julia et Roem» seront-ils un jour mis aux enchères? Que pensez-vous du récent engouement pour la bande dessinée, nouvel objet de collection?
Enki Bilal.- Ces dessins n’iront pas en vente. Celle d’«Animal’z» se voulait plutôt un one shot, un concept, avec une grande exposition tout l’été chez Artcurial, et l’occasion de proposer des enchères raisonnables… Je n’ai pas de recul sur ces ventes de bandes dessinées, je les vis. J’ai été un déclencheur de ce phénomène avant Artcurial, dès 2006, après les prix formidables atteints par Hergé. Mais je ne connais pas la nouvelle clientèle et je ne fais pas la cote. La spéculation m’échappe et je pense d’ailleurs que les auteurs ne doivent pas se disperser en vendant trop.
Propos recueillis par Laure Garcia
Source: „le Nouvel Observateur” du 28 avril 2011.